Une spécificité épidémiologique :
500 à 1000 enfants ont un AVC chaque année
en France
(tableau 1). Depuis 20 à 30 ans, de nombreuses équipes médicales et
de recherche s’intéressent à cette pathologie qui est désormais mieux connue.
De fait, l’amélioration de la prévention, de la prise en charge aiguë et des soins
de suite (
rééducation/réadaptation) a permis une diminution régulière de la
mortalité par cause cérébro-vasculaire chez l’enfant, concomitante d’une
diminution du risque de récidive après un premier accident.
Citons parmi les progrès notables :
La prévention du risque d’infarctus par transfusions itératives chez
l’enfant drépanocytaire.
L’utilisation large des thérapeutiques antithrombotiques, notamment anticoagulants après thrombose veineuse et aspirine après infarctus artériel.
A l’inverse, la morbidité à long terme reste très élevée et il s’agit là d’un des principaux défis actuels.
Mieux abordée que par le passé, notamment pour les déficits
cognitifs, on sait désormais qu’au moins deux-tiers des enfants gardent des séquelles. Ces conséquences étant prolongées, puisque survenant chez des sujets jeunes, on estime ainsi à plusieurs dizaines de milliers les personnes de tous âges qui ont une déficience résiduelle d’AVC pédiatrique.
Une spécificité diagnostique :
La majorité des AVC survient chez des enfants en bonne santé.
Les causes les plus fréquentes sont, soit silencieuses jusqu’au moment de l’accident (malformations vasculaires), soit banales. Ainsi le risque d'
artériopathie cérébrale (principale cause d’
infarctus cérébral artériel de l’enfant) est triplé au décours d’une infection respiratoire et multiplié par 17 dans les mois qui suivent une varicelle. Quant aux accidents
périnatals, ils surviennent alors que la grossesse et l’accouchement ont été normaux le plus souvent.
Bien que de mieux en mieux connu,
l’AVC de l’enfant souffre encore d’un défaut de reconnaissance à la phase aiguë et beaucoup de professionnels n’évoquent pas cette hypothèse chez un enfant qui présente des
symptômes neurologiques aigus.
Le délai diagnostique moyen, supérieur à 24 heures, limite
la mise en place d’une prise en charge précoce qui a montré son utilité
chez l’adulte. De même, l’imagerie par IRM, qui est l’examen recommandé car il permet d’améliorer la rapidité du diagnostic, n’est pas toujours réalisée d’emblée chez un jeune enfant. Le taux de réalisation de cet examen en urgence peut être amélioré par la mise en place d’une organisation connue par les équipes accueillant ces enfants (
conseils pour la réalisation d'une IRM chez l'enfant).
Former et informer l’ensemble des professionnels impliqués dans l’AVC de
l’enfant, les familles et la population générale, afin de raccourcir le chemin vers le
diagnostic est donc une mission première du centre de référence.
Une spécificité d'être en développement :
La lésion survenant sur un cerveau en
cours de développement, nombre de conséquences pourront apparaitre que
plusieurs années après l’accident, lorsque les fonctions cérébrales seront
arrivées à maturation et que les sollicitations
environnementales (notamment scolaires) auront augmenté.
L'élaboration du
projet thérapeutique personnalisé, la rééducation pluridisciplinaire, l'orientation
vers des filières adaptées et l’information doivent donc être discutées
régulièrement entre la famille, les équipes de soins, le secteur éducatif, tout en
considérant le contexte de vie.
L'objectif est
d'accompagner l'enfant, futur adulte, vers un projet de vie personnel, autonome et
choisi.
Fonctionnant sur le modèle développé pour les maladies rares, le centre n’a pas vocation à accueillir l’ensemble des enfants ayant un AVC. Son role est de mettre en place des actions de collaboration afin de fédérer, coordonner et animer les filières de soins régionales et de proposer un recours et une expertise à l'échelon nationale.
Le centre se doit ainsi d'élaborer des recommandations professionnelles argumentées de prévention, de diagnostic et de traitement argumentées. (Les Recommandations)
Pour les patients avec une histoire complexe, une réunion de concertation pluridisciplinaire est organisée en webconférence le vendredi à partir de 15 heures. La présentation de l’observation de l’enfant (au mieux par le clinicien référent local qui le connait bien) et le partage des imageries sont suivis d'une discussion où chaque professionnel apporte sa spécificité pour délivrer un avis collégial et argumenté sur le dossier. (pour y participer prendre contact avec Cyrille RENAUD).
Une proposition de prise en charge diagnostique et thérapeutique, qui fait partie intégrante du dossier de l’enfant, est alors proposée au clinicien référent, qui lui-même fait le retour à la famille.
Le centre a par ailleurs pour autres missions :
la formation, l’information et l’éducation des professionnels, des familles et du grand public ;
le recueil des données épidémiologiques relatives à la maladie ;
la coordination de la recherche sur le thème.
Dès à présent, le centre est l’interlocuteur privilégié du ministère, des agences régionales de santé (ARS), de l’ensemble des professionnels de santé impliqués dans la prise en charge de l’AVC de l’enfant ainsi que des représentants des patients et des usagers.
Il est difficile de mesurer directement l’action des centres de référence sur la prise en charge des patients et au final sur l’amélioration du service sanitaire rendu à la population. Néanmoins beaucoup d’arguments plaident en faveur de leur rôle bénéfique.
L’amélioration des indicateurs de qualité est notre objectif :
De nombreux indicateurs sont utilisés en médecine d’adulte pour apprécier l’efficience de la filière AVC : intervalle de temps entre les premiers symptômes et l’imagerie diagnostique (l’efficacité d’un traitement par thrombolyse est dépendante ++ de sa précocité : time is brain), pourcentage de patients admis en services spécialisés aigus (unités neurovasculaires) ou de soins de suite, respect des recommandations comme la prescription d’aspirine dans les 24 premières heures d’un infarctus artériel…
Nous disposons d’évaluations de qualité de prise en charge préalables à la mise en place des filières enfants. Ainsi en 2013, une enquête prospective dans les services d’urgence pédiatrique des CHU de Clermont-Ferrand, Lyon et Saint-Étienne a trouvé un délai diagnostique moyen de 11 h entre le premier signe évocateur et le diagnostic d’AVC.
Une analyse nationale exhaustive réalisée a posteriori sur les années 2009-2010 a montré que 39% des patients agés de 1 mois à 17 ans révolus ayant fait un AVC, avaient séjourné en unité de surveillance continue : réanimation, unité neurovasculaire, soins intensifs… (Tuppin et al. Arch Pediatr 2014).
Les référentiels professionnels recommandent désormais que l’ensemble des enfants soient accueillis dans une unité de soins continus à la phase aiguë de l’AVC. De nouvelles études de ces mêmes indicateurs (et d’autres) seront à refaire après quelques années de fonctionnement du centre de référence pour apprécier son efficacité.
L’intérêt des plans nationaux de santé :
Le centre de référence AVC de l’enfant a été édifié sur le modèle des centres maladies rares qui existent depuis longtemps et qui ont montré leur potentialité à améliorer les indicateurs épidémiologiques principaux.
Par exemple l’espérance de vie des enfants ayant une myopathie de Duchenne ou une mucoviscidose a doublé depuis 20 à 30 ans, bien qu’on soit toujours en attente d’un traitement curatif. Le modèle d’une autre pathologie neurologique aigüe pédiatrique montre aussi que la mise en place de programmes intégrés spécifiques réduit la mortalité et les séquelles après traumatisme crânien chez l’enfant.
Si les centres de référence ne sont pas seuls en cause dans ces résultats, leur influence est indéniable.
L’efficacité procède en effet en grande partie d’une approche globale, du sujet et de l’entourage, au sein de laquelle l’ensemble des problématiques sont considérées : justesse et précocité du diagnostic, connaissance et application des protocoles de bonne pratique validés et actualisés, prévention des complications et prise en compte des problèmes associés : douleur, nutrition, aspects psychologiques et éducatifs, considération des choix de l’enfant et de sa famille dans son environnement propre, formation et motivation régulières des équipes, interface entre professionnels/associations de familles/chercheurs/population générale/pouvoirs publics…
En plus de l’amélioration quantitative (mortalité, séquelles…), la plus-value apportée par les centres de référence est donc aussi qualitative.
D’autres exemples montrent que le nombre de consultations auprès des centres de référence augmente avec le temps (alors que la prévalence de la maladie reste globalement stable), témoignant de la meilleure connaissance collective de ces structures. Ce qui en retour se traduit par une amélioration objective du soin.
Enfin, la mise en place de plan nationaux ambitieux (Alzheimer, maladies rares 1 et 2, AVC 2010-14) a permis à la recherche française d’augmenter son poids au sein de la communauté internationale.
L’efficacité démontrée de la prise en charge intégrée
On peut définir un modèle intégré comme une combinaison d’opérations coordonnées et orientées vers le même but dont le rendement est supérieur à la somme de l’efficacité de chacune prise isolément.
En d’autres termes il n’est pas toujours possible d’évaluer une action isolée au sein d’un système global mais l'ensemble a une efficience objective.
C’est typiquement le mode fonctionnement des centres de référence : cf. ci-dessus.
Sur le thème spécifique de l’AVC, il est démontré quel’accueil des patients adultes au sein d’une unité neurovasculaire diminue la mortalité, les séquelles et la dépendance. . Ces résultats dépassent largement les bénéfices uniquement liés à la thrombolyse qui est effectuée dans ces structures.
C'est donc bien l’ensemble des mesures mises en œuvre pour établir le diagnostic rapidement et précisément, traiter la cause de l’AVC, maintenir l’homéostasie, prévenir les complications, mettre en place une rééducation précoce … par une équipe formée dans un service dédié qui est efficace.
L’incidence de l’AVC chez l’enfant ne permet pas de créer un maillage territorial d‘unités neurovasculaires pédiatriques physiquement individualisées.
A défaut d’individualisation d’unités dédiées à l’accueil, nous nous orientons vers une formalisation du partage d’expérience et de la coordination en temps réel des acteurs de la filière (SAMU, urgentistes, réanimateurs pédiatres, neuropédiatres, neurochirurgiens, radiologues, neurologues vasculaires, rééducateurs, administration) au sein des services qui accueillent déjà les enfants avec AVC ; pour reproduire au mieux les performances des unités neurovasculaires.
Références :
Tuppin P, Samson S, Woimant F, Chabrier S. Prise en charge et suivi à 2 ans des enfants de 29 jours à 17 ans hospitalisés pour un premier AVC en France (2009-10). Arch Pediatr 2014;21:1305-15. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/25287139