L’anticoagulation est recommandée à la phase aiguë, puis pour une durée de 3 à 12 mois, pour les thromboses veineuses cérébrales survenant chez l’adulte.
Chez l’enfant, deux consensus parus en 2008 recommandaient également l’usage des anticoagulants, tandis que les conclusions divergeaient chez le nouveau-né.
Suite aux nouvelles études publiées dans l’intervalle, la Société française de neurologie pédiatrique et l’European Paediatric Neurology Society ont actualisé ces connaissances en 2011 et 2012 dans le but de répondre aux questions suivantes :
la sécurité de l'anticoagulation est-elle établie à la phase aiguë des thromboses veineuses cérébrales de l'enfant ?
si oui, l'efficacité de l'anticoagulation est-elle établie à la phase aiguë des thromboses veineuses cérébrales de l'enfant ?
si oui, avec quelle molécule et pour quelle durée ?
mêmes questions chez les nouveau-nés.
De ces référentiels basés sur des études observatoires, l’expérience des auteurs et l'analogie avec la pathologie d’adulte il ressort que :
L'anticoagulation est largement utilisée en pédiatrie. Elle est bien tolérée chez l’enfant et probablement chez le nouveau-né.
A la phase aiguë des thromboses veineuses cérébrales, l'anticoagulation est probablement efficace pour réduire le risque de décès et de séquelles chez l’enfant. Il n'est pas possible de conclure chez le nouveau-né.
La présence d’une hémorragie intracrânienne préalable au traitement ne change pas ces recommandations, dans la mesure où les facteurs favorisant le saignement (hypertension artérielle, thrombopénie, surdosage en anticoagulants…) sont maîtrisée et que l'imagerie cérébrale est régulièrement contrôlée.
A plus long terme, l'anticoagulation est efficace pour réduire le risque de récidive. Ce risque étant très dépendant de nombreux facteurs individuels (dont les principaux sont l’âge de l’enfant, la cause de la thrombose et la cinétique de recanalisation du sinus), la durée de l’anticoagulation doit être analysée individuellement.
Au total, la convergence des résultats, le rationnel physiopathologique et la concordance avec les données concernant les patients adultes conduisent aux recommandations suivantes :
en l'absence de contre-indication, il est raisonnable de proposer une anticoagulation à dose hypocoagulante à la phase aiguë des thromboses veineuses cérébrales de l'enfant. Il est justifié de prolonger ce traitement pendant 3 à 6 mois en fonction de nombreux facteurs individuels.
en l'absence de contre-indication, une anticoagulation à dose hypocoagulante peut se discuter individuellement à la phase aiguë des thromboses veineuses cérébrales chez le nouveau-né pour une durée de 6 à 12 semaines.
L’argumentaire de ces recommandations est développé dans :
- Lebas A, Chabrier S, Fluss J, Gordon K, Kossorotoff M, Nowak-Göttl U, de Vries LS, Tardieu M. EPNS/SFNP guideline on the anticoagulant treatment of cerebral sinovenous thrombosis in children and neonates. Eur J Paediatr Neurol 2012;16:219-28.
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22425391
Le Centre national de référence de l’AVC de l’enfant suit ces recommandations et propose cet algorithme décisionnel pour les enfants non nouveau-nés.
L’utilisation pratique (posologie et surveillance) est résumée dans les trois tableaux sur le maniement pratique des antithrombotiques.
Toutes ces mesures doivent être accompagnées des recommandations générales sur la prise en charge à la phase aigüe.
Quelques nuances non tranchées par la littérature actuelle doivent compléter à ces recommandations générales :
Certaines causes de thrombose veineuse cérébrale (traumatisme crânien, période post-opératoire notamment neurochirurgicale) induisent un risque hémorragique propre. La balance bénéfice/risque à l’utilisation des anticoagulants dans ces situations particulières est à évaluer au cas par cas avec l’ensemble des professionnels impliqués : réanimateur, (neuro)chirurgien…
De même en cas de survenue d'une complication liée au traitement, l'arrêt de l'anticoagulation, son antagonisation et le traitement symptomatique doivent être évalués individuellement.
Il n'y a pas dans la littérature pédiatrique d'études permettant de préconiser l’utilisation d’une molécule anticoagulante plutôt qu’une autre. Chez l’adulte, les recommandations vont à l’utilisation d’héparines de bas poids moléculaire. L’héparine non fractionnée préférée dans les situations cliniques précaires du fait de la réversibilité plus rapide (<2 h) de son action anticoagulante et de la possibilité de proposer un antagoniste.
Chez le jeune enfant et le nourrisson, l’expérience montre aussi qu’un niveau d’anticoagulation satisfaisant est difficile à obtenir avec l’héparine non fractionnée puis à stabiliser avec les anti-vitamines K. L’utilisation d’héparines de bas poids moléculaire est plus facile, y compris au long cours.
Par ailleurs, la posologie des anticoagulants, les cibles thérapeutiques et la surveillance des complications ont été établis à partir des normes adultes. Il existe cependant de nombreuses interrogations sur leur pertinence dans les premières années de vie. L’avenir est donc au développement d’essais avec des antithrombotiques de maniement et de surveillance plus aisés, comme l’aspirine ou les inhibiteurs oraux du facteur Xa.
La durée du traitement anticoagulant dépend du risque naturel de récidive. Ce risque est très faible après 6 mois chez les nouveau-nés et les nourrissons, chez les enfants dont la thrombose était due à une maladie aiguë transitoire guérie (mastoïdite, méningite...), sans mise en évidence de thrombophilie biologique et qui ont recanalisé, même partiellement leur sinus.
A l’inverse, le groupe à haut risque de récidive comprend les enfants de plus de 2 ans, ayant une pathologie chronique thrombogène et qui n'ont pas recanalisé leur sinus à 6 mois, surtout s’ils sont porteurs d’une thrombophilie, a fortiori majeure.
Ceux-là devraient bénéficier d'un traitement anticoagulant prolongé tant que la situation à risque thrombotique persiste ou rechute et d’un traitement préventif lorsque survient un autre facteur favorisant (immobilisation, déshydratation…).
Il n’est pas possible de conclure chez le nouveau-né. Ce groupe cependant doit être individualisé des enfants plus âgés du fait des circonstances de survenue (importance des conditions obstétricales par définition non pérennes
ni récidivantes), de la symptomatologie, des lésions associées et de l’évolution naturelle plus défavorable.
D’autre part, le maniement des anticoagulants est plus difficile chez le nouveau-né.
L’attitude est donc aussi à adapter au cas par cas.