La vasculopathie cérébrale drépanocytaire
L’atteinte vasculaire cérébrale est une complication grave, fréquente et précoce (dès l’enfance) des syndromes drépanocytaires majeurs (c’est-à-dire surtout pour les patients HbSS et HbSb°). En effet, avant la mise en place des stratégies de prévention, le risque d’AVC chez ces enfants était plus de 300 fois supérieur à celui des enfants non drépanocytaires du même âge.
Dans l’enfance, le risque est principalement celui de lésions ischémiques (infarctus artériel cérébral, infarctus jonctionnel, infarctus dit « silencieux » car souvent découvert sur l’imagerie sans signe clinique d’appel), et ce très majoritairement avant l’âge de 10 ans. Chez l’adulte jeune, les AVC sont plutôt hémorragiques (hémorragie cérébrale, intraventriculaire ou méningée) tandis qu’à partir à partir de 40 ans, surviennent aussi des accidents ischémiques, c’est-à-dire en moyenne plus tôt dans la vie que chez les non drépanocytaires.
Les lésions artérielles cérébrales de cette vasculopathie drépanocytaire sont des sténoses artérielles, avec épaissi -ssement de l’intima et fragmentation de la media. Dans les formes sévères, elles peuvent évoluer vers un syndrome de moyamoya.
La prévention de la survenue des AVC ischémiques chez l’enfant drépanocytaire homozygote fait l’objet de recommandations internationnales.
Celles-ci s’appuient sur une stratification du risque à partir des vélocités mesurées au doppler transcrânien DTC). La réalisation d’un DTC annuel est recommandée à partir de l’âge de 2 ans. Les vitesses mesurées permettent de définir si le patient fait partie d’un groupe à haut risque d’infarctus cérébral (un DTC pathologique, avec vitesse >200 cm/s expose à un infarctus cérébral d’environ 50% dans les 2 ans !), à bas risque (DTC normal) ou à risque intermédiaire (DTC conditionnel ou intermédiaire, nécessitant de rapprocher la surveillance doppler).
Lorsqu’un enfant présente un doppler pathologique, est mise en place une stratégie de prévention primaire reposant sur la réalisation mensuelle d’échanges transfusionnels. C’est le programme transfusionnel qui est poursuivi plusieurs années.
Les critères pour un éventuel arrêt du programme ou son remplacement par une prévention médicamenteuse sont actuellement en discussion.
Malgré cette stratégie de prévention primaire, qui diminue de façon très importante le risque d’infarctus cérébral constitué, les enfants restent à risque vasculaire cérébral.
En effet, le suivi de cohortes d’enfants drépanocytaires pris en charge dès la naissance selon les recommandations actuelles montre que la
prévalence d’anomalies radiologiques cérébrales de type ischémique (infarctus cérébral constitué, infarctus silencieux ou sténose artérielle) approche les 40% à l’âge de 14 ans.
Plusieurs études sont en cours afin d’évaluer si d’autres stratégies thérapeutiques pourraient permettre d’améliorer la prise en charge préventive. En effet, même sans infarctus constitué, la présence d’infarctus silencieux est statistiquement associée à des performances cognitives altérées.
En cas d’infarctus cérébral à la phase aiguë chez un enfant drépanocytaire, la reconnaissance de l’AVC et la prise en charge sont urgentes. Devant tout signe neurologique focal d’apparition aiguë chez un enfant drépanocytaire homozygote, et même si le DTC était jusqu’alors normal, l’imagerie cérébrale est à réaliser immédiatement :
voir modalités de réalisation .
Une fois le diagnostic d’infarctus cérébral confirmé, la prise en charge recommandée est la réalisation d’un échange transfusionnel en urgence avec un objectif d’HbS < 30%. Si l’échange ne peut être débuté immédiatement, il sera alors précédé d’une transfusion à condition que l’hémoglobine du patient soit ≤ 9 g/dL avant la transfusion (risque d’hyperviscosité si la transfusion est réalisée avec un taux d’hémoglobine supérieur).
Actuellement,
la thrombolyse intraveineuse ou intra-artérielle n’est pas recommandée chez les enfants et adolescents drépanocytaires. L’obstacle intra-vasculaire est en effet davantage un agrégat de cellules (érythrocytes falciformés, leucocytes, plaquettes) et qu’un caillot à majorité de fibrine, rendant à ce jour discutable le rationnel d’une thérapeutique fibrinolytique.
En plus de ces mesures spécifiques, l’ensemble des soins aigus pour les enfants ayant un AVC doivent également être mis en place.